Malgré le Covid, près de Caen la chaudronnerie Taillefer investit pour affronter la crise
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4 juin 2021La société normande Taillefer a été reprise en 2019 par un couple d’entrepreneurs désireux de faire évoluer l’activité de cette entreprise spécialisée en chaudronnerie industrielle vers davantage de travaux de maintenance, tout en cherchant à mettre l’accent sur l’expertise dans ce domaine. Plusieurs secteurs sont ciblés : les centrales à béton et les silos – ses domaines de prédilection depuis 65 ans – mais aussi les centrales d’enrobage et plus généralement la manutention en carrière, avec les transporteurs.
À Blainville-sur-Orne (14), la société Taillefer a bâti sa réputation depuis une soixantaine d’années sur la conception et la fabrication de centrales à béton et de silos industriels. Elle a été reprise en janvier 2019 par Gaëlle Pignet-Condal et son mari Jean-Michel Condal, qui ont voulu développer l’activité maintenance en l’étendant à tout le territoire national et à d’autres secteurs d’activité. Désormais, les techniciens interviennent aussi bien sur des centrales à béton que sur des centrales d’enrobage, en carrières et dans les centres de recyclage. « Nous nous diversifions progressivement vers des métiers à plus forte expertise tout en développant l’activité maintenance », explique Gaëlle Pignet-Condal, directrice de la société. Et cela sans modifier l’outil de production, « mais en le modernisant », ajoute Jean-Michel Condal, directeur technique.
A ce sujet, un investissement de 1,5 M€ a d’ailleurs permis l’an dernier d’acquérir une machine de découpe de profilés au plasma, et il est prévu d’étendre la surface de l’atelier devant la recevoir. L’investissement servira également à construire de nouveaux locaux pour le personnel.
Un regard croisé
« Notre avantage est d’avoir un regard croisé sur le métier des carriers, car nous venons tous deux de ce secteur mais avec des expériences différentes », précise la dirigeante qui a travaillé au sein de l’entreprise familiale Girard et Fossez gérée par son père, Jean-Max Pignet. Son mari, Jean-Michel Condal, a lui aussi travaillé dans cette société, ce qui lui a permis de comprendre de l’intérieur les contraintes et les impératifs du métier d’exploitant de carrières. Il apporte surtout son expérience acquise précédemment dans le montage et le SAV en chaudronnerie pour le compte d’un grand groupe indépendant intervenant dans les secteurs de l’agroalimentaire et de l’environnement. Durant une vingtaine d’années, il a coordonné le travail de 150 personnes opérant en France, comme à l’étranger, dans le cadre d’interventions souvent menées dans l’urgence, « tout en essayant de ne pas interrompre la production ». Et c’est cette expérience qu’il met désormais au profit de la société Taillefer.
Pour la jeune dirigeante, « c’est notre double regard qui est apprécié par les exploitants locaux en matière de maintenance, celui du carrier et celui du chaudronnier, et cela qu’il s’agisse d’exploitations appartenant à des groupes ou à des indépendants. »
« Pour se faire reconnaître », le couple de dirigeants s’appuie sur les points forts de la société : son bureau d’études avec sa capacité à concevoir des solutions sur mesure, et son atelier de fabrication.
Des travaux de chaudronnerie menés en urgence
« C’est ce savoir-faire en chaudronnerie que j’ai apprécié en arrivant, reconnaît Gaëlle Pignet-Condal, car en carrière, on avait du mal à recruter ces profils et à les fidéliser. » Son expérience en carrière lui a appris que « recruter un chaudronnier n’est pas évident, car un exploitant n’a pas du travail à lui donner pour l’occuper en permanence », sans oublier le risque « qu’un chaudronnier peut se lasser d’un travail répétitif. »
Lorsque les époux ont repris la société, l’effectif était de 39 salariés. Un an et demi plus tard, il est monté à 70 avec 35 employés en atelier et 16 au montage. La volonté de faire croître l’activité maintenance et de l’étendre à tout le territoire a nécessité de recruter de nouveaux chefs de chantier : de 2 ils sont passés à 8 – encadrant chacun 2 à 3 monteurs – disposant d’un container à outillage et d’un fourgon équipé pour travailler de manière autonome.
La société est connue pour ses interventions en chaudronnerie réalisées « en urgence ». Elle s’appuie sur son atelier affecté à ces travaux de maintenance où travaillent 5 personnes en permanence. Sitôt achevées, les pièces sont récupérées par l’équipe volante chargée de les intégrer dans les installations. En plus des monteurs, l’équipe comprend un conducteur de travaux et deux électromécaniciens. Sa réactivité à intervenir repose aussi sur l’aide qu’apporte en amont le bureau d’études et ses 12 dessinateurs Projeteurs et Chefs de Projets, dont un calculateur.
Les équipes interviennent dans tout l’Hexagone, certaines étant maintenues en région pour se concentrer chez certains clients qui demandent des interventions régulières. D’autres, par contre, travaillent en régie.
Choisir avec qui intervenir
Taillefer privilégie la proximité et conseille à ses clients, lorsqu’une intervention est jugée trop éloignée, de faire appel à des chaudronniers locaux afin de gagner en réactivité. Il n’est pas rare que la société procède aux travaux avec un confrère implanté à proximité du site où l’intervention doit avoir lieu, comme l’explique Jean-Michel Condal : « Je raisonne à la place du client, en privilégiant une variété d’offres plutôt qu’une offre unique de solutions. » Selon lui, « il faut que tout le monde puisse intervenir. Lorsque j’estime que l’intervention est trop importante, j’appelle un confrère pour que chacun réponde dans son domaine d’expertise. » La raison est la suivante : « Sur des projets complexes, il est toujours intéressant de développer des partenariats »
En fonction de l’importance des travaux à effectuer et des priorités données par l’exploitant, plusieurs équipes peuvent intervenir en même temps. C’est le cas des arrêts d’usine programmés en fin d’année, où l’effectif des 8 équipes peut grimper à 50 personnes. « Elles sont complétées par des intérimaires recrutés pour l’occasion et des techniciens polyvalents qui acceptent de sortir des ateliers de l’usine Taillefer pour apporter leur expertise en matière de chaudronnerie et de soudure », précise le directeur technique. Des sous-traitants reconnus pour leur savoir-faire peuvent également faire partie de ces intervenants.
Un recrutement permanent
« En reprenant la société, on savait que la part consacrée à la maintenance ne pouvait qu’augmenter, reconnaît Gaëlle Pignet-Condal. On a vite vu ce potentiel, car en tant que carrier on voyait que ces besoins n’étaient pas complètement satisfaits. »
Arrivés chez Taillefer, le couple de dirigeants a découvert que les “équipes tournantes” pouvaient enrichir leurs connaissances sur les différents chantiers où elles interviennent, tout en partageant les bonnes pratiques.
Autre point important à noter : ils se sont également aperçus que le travail de conception et de fabrication donnait la possibilité de s’intéresser à la maintenance qui serait à faire plus tard, « pour faciliter l’entretien, reconnaît Jean-Michel Condal, car l’interlocuteur en carrière est souvent un responsable maintenance qui demande des solutions pratiques. »
Pour répondre à cette recrudescence d’activité, il a fallu recruter. D’anciens collaborateurs et des intérimaires ont rejoint Jean-Michel Condal aussitôt installé chez Taillefer.
La société a aussi utilisé la promotion interne en faisant évoluer son personnel, comme ce second d’un chef de chantier devenu à son tour chef de chantier.
Fin 2020, Taillefer a recruté une personne très expérimentée pour l’accompagner dans le développement qu’elle compte mener en manutention : « Elle apporte l’expertise et l’ancienneté dans le domaine du process vrac que nous n’avions pas, aussi bien en verrerie qu’en carrière », reconnaît-t-on dans la société. Taillefer pourra désormais se positionner sur des projets plus complexes. Elle répond déjà à des demandes de conception de postes de recomposition.
L’apprentissage est une voie privilégiée par l’entreprise pour repérer assez vite de bons candidats dans les métiers en tension de la chaudronnerie, et « si possible de les garder », précise la dirigeante. Quatre bénéficient de ce type de contrat : un au bureau d’études en BTS conception et réalisation en chaudronnerie industrielle, les autres étant dans l’atelier.
La transmission est également un des outils utilisés : un chaudronnier ayant 42 ans de maison a été assisté pendant neuf mois par un plus jeune pour lui transmettre son savoir. « Notre objectif est de maintenir les connaissances en interne en misant fortement sur l’humain », commente Gaëlle Pignet-Condal.
Ne pas proposer qu’un prix
La politique de Taillefer est d’accompagner un exploitant selon ses besoins, qu’il s’agisse de maintenance voire plus, lorsqu’il faut faire évoluer une installation. « Notre société a été amenée à remplacer des cribles en lieu et place, et c’est elle qui, à chaque fois, a validé la partie structure des interventions avec le bureau d’études ingénierie. Il a approuvé les projets en adaptant l’alimentation des cribles et en concevant leurs chariots, mais aussi les tuyauteries d’alimentation en eau, les passerelles et la pose des chemins de câbles », détaille J.-M. Condal. Le directeur technique insiste sur « l’adaptation réelle aux besoins de ses clients pour travailler sur du long terme », ce qui est un gage de confiance et de crédibilité. une raison qui explique « qu’il ne souhaite pas proposer un prix ». D’ailleurs, il refuse de répondre à une demande lorsque son offre risque « de ne pas être placée », et aussi s’il ne dispose pas des compétences et des outils pour répondre.(bleu à supprimer) En général, « Taillefer se positionne sur des travaux que les constructeurs et les intégrateurs ne souhaitent pas faire et qui prennent du temps », précise-t-il. Parmi ces réalisations, il cite la conception et l’installation d’une poutre et de son rideau de chaînes sur un scalpeur primaire.
En France et ailleurs
Le carnet de commandes permet aux dirigeants d’être sereins pour les 4 mois à venir, « ce qui est bien en chaudronnerie », expliquent-ils. La crise sanitaire n’a pas affecté l’activité de la société qui a pu garder la confiance de ses clients durant ces derniers mois, aucun n’ayant annulé de commande.
Le service après-vente, qui représente 20 % de l’activité de la société (11.3 M€ de chiffre d’affaires en 2020), devrait atteindre 30 % à la fin de l’année, voire 40 %. Il est prévu qu’à terme, cette activité soit externe à celle de Taillefer, cette dernière devant se concentrer sur la conception et la fabrication de ses silos et centrales à béton.(en bleu à supprimer)
Dans les projets, la société ambitionne de promouvoir son activité de chaudronnerie à l’export, en commençant par l’Europe. Un moyen pour « mettre en avant ses compétences en matière d’étude et de process, précise-t-on chez Taillefer, mais pas en fabrication, une prestation qui restera toujours locale car plus compétitive ». Le projet a déjà séduit des chefs de chantier, notamment ceux qui sont partis au Niger pour Areva. Ils ont fait part de leur intérêt de mener des projets en dehors de l’Hexagone, et pourquoi pas en Afrique.
Fabricant de centrales à béton et de silos de grandes dimensions
C’est le métier historique de la société Taillefer qui a travaillé, en sous-traitance, jusqu’en 2012 pour de grands constructeurs européens de centrales à béton. À cette époque difficile pour le secteur de la construction, l’ancien gérant de la société avait décidé de lancer sa propre production de centrales à béton, sous le nom de Taillefer, mettant à profit les capacités de la société à concevoir entièrement ses propres unités. Depuis, d’autres constructeurs ont approché la société normande pour lui proposer d’intervenir en sous-traitance pour les mêmes prestations.
Les silos Taillefer sont également des produits phares sur le marché car conçus pour durer des années. On peut d’ailleurs en apercevoir certains, de grande taille, sur les chantiers du Grand Paris. Des industriels éloignés du secteur de la construction ont fait appel à Taillefer pour concevoir des cuves de stockage. Ce fut le cas notamment pour Areva au Niger.
Manutention : Taillefer se positionne sur les tapis de plaine et les stackers
L’activité la plus récente dans laquelle s’est lancée la société Taillefer est la manutention en carrière avec un projet réalisé il y a un an pour le compte d’un producteur de sable sur la Normandie. Cet exploitant souhaitait refaire à l’identique un tapis de plaine1 chargé d’un sable brut lavé à mettre en stock par un stacker rotatif2. La société Taillefer a répondu à cette demande en proposant « le même équipement sur le principe de fonctionnement », explique-t-on, mais l’a modernisé en intégrant des passerelles supplémentaires pour que l’ensemble soit conforme aux normes de sécurité. Par contre, la largeur de la bande et la motorisation n’ont pas évolué d’une réalisation à l’autre (motorisation à arbre creux).
Pour ce projet, Taillefer a travaillé à partir d’éléments communs aux transporteurs conçus pour les centrales à béton. Les stations sont des éléments standard provenant du commerce, mais constituées à partir d’un faible nombre de références pour ne pas complexifier le travail de maintenance qu’il y aura à faire.
Pour Gaëlle Pignet-Condat, directrice de la société, « nous avons répondu à ce projet car nos compétences nous permettaient d’intervenir, et nous continuons de développer notre expertise dans ce métier en intervenant régulièrement en carrières sur le grand Ouest. mais il nous faut encore des chantiers pour être reconnus comme référents dans le métier. »